Résumé critique du chapitre 1 Notre avenir personnel du livre intitulé À nous d’écrire l’avenir, Éric Schmidt, Jared Cohen
Le point de vue des auteurs
Le discours des auteurs est essentiellement positif par rapport aux retombées d’Internet et des nouvelles technologies. En somme, selon eux, tout le monde tirera profit de la connectivité au plan personnel en précisant, néanmoins, que ce ne sera pas nécessairement de la même manière.
D’emblée dans le livre, les répercussions positives de la connectivité sur les populations des pays en développement sont mises en exergue. L’élément principal avancé est le sentiment accru d’égalité. Toutefois, sans résoudre les inégalités, dont les revenus, la connectivité allégera certaines de ses causes, notamment en comblant le manque d’accès à l’éducation. On aborde aussi les gains d’efficacité et de productivité que l’isolement technologique paralyse.
Dans un spectre plus universel, plusieurs impacts positifs des nouvelles technologies sont énumérés. D’abord, les données numériques permettront aux États de mesurer l’effet de leurs programmes. Les multiples indicateurs seront source d’amélioration continue par l’application de meilleures politiques. En ce qui touche les fonctions cérébrales, les recherches stimuleront en permanence les processus de pensée et renforceront la créativité. En outre, les retombées médicales constitueront sans contredit des plus values pour l’être humain et, dans ce registre, la liste des avancées est longue.
Dans un autre ordre d’idées, tous les coins de la planète seront accessibles. Des échanges immédiats auront lieu sans aucun problème de langues. Le monde du travail sera transformé. Plus besoin d’être sur place pour effectuer diverses tâches. Les grands experts du monde entier seront à notre portée. En ce qui touche l’éducation, celle-ci deviendra plus souple, interactive, adaptée aux besoins. La pensée critique, la résolution de problèmes seront valorisées.
Toujours dans le chapitre du livre spécifique aux impacts sur la vie personnelle, les auteurs donnent encore plus d’exemples d’innovations dans la vie de tous les jours. Pour eux, les nouvelles technologies nous délivreront d’une foule de petits tourments et nous permettront une meilleure utilisation de notre temps. On réfère, entre autres, à la robotisation des travaux ménagers et aux commandes par la pensée. Nous pourrons de plus voyager grâce à notre caisson holographique et, également, participer à des événements comme si nous y étions. Bref, notre environnement sera un orchestre électronique dont nous serons les chefs.
À la lecture de ce chapitre, le ton est donné : notre qualité de vie sera substantiellement améliorée. Pour eux, s’amorce le meilleur des mondes, une période bouillonnante et, comme ils le disent si bien : « la période (…) la plus excitante de l’histoire de l’humanité ».
Précisons qu’une partie de leur optimisme touche aussi le fait que la connectivité pourra aider les gens à se prémunir contre les abus, les souffrances, à contrer la destruction et qu’il y aurait un transfert de pouvoir aux mains de l’individu. Pour eux, le jeu en vaut la chandelle.
Toutefois, les auteurs conviennent que tout n’est pas si rose. En introduction, Éric Schmidt nous met d’ailleurs dans une certaine ambiance avec une phrase tirée d’un de ses discours : « Internet est la première création de l’homme que l’homme ne comprend pas, la plus grande expérience d’anarchie que nous n’ayons jamais connue. »
D’ailleurs, dans les autres chapitres du livre, les auteurs manifestent un enthousiasme un peu plus modéré. Ils indiquent que l’homme ne parviendra jamais vraiment à maîtriser l’ensemble des nouvelles technologies. Ils précisent aussi qu’un système de caste numérique se mettra en place où ceux au sommet seront plus à l’abri de leurs effets indésirables. Ils précisent que les milliards de personnes connectées, d’un côté, défieront les systèmes, mais, de l’autre, seront traqués, car la connectivité permettra plus de contrôle, un accroissement de l’autoritarisme. Ils poursuivent en indiquant qu’un bon nombre de difficultés perdureront malgré l’avènement de la technologie, car celle-ci n’est pas une panacée pour tous les maux de la terre, mais que son usage intelligent peut changer les choses.
En ce qui touche la confidentialité, on peut dénoter une légère dichotomie dans leur discours. D’un côté, on énonce : « Dès lors que des garde-fous seront en place pour protéger notre vie privée et nous prémunir de la perte de données… ». Or, un peu plus loin dans le livre, on admet qu’il y aura une perte de la confidentialité. Précisons ici que le livre a été écrit avant l’affaire Snowden. Nos auteurs auraient sûrement ajusté leur discours après coup.
Finalement, ils abordent le fameux choc de deux « civilisations » : le virtuel et le physique, le choc de l’intelligence artificielle et organique. Bien qu’on ne puisse pas à ce moment-ci prévoir l’ampleur de ces rencontres historiques, on ne peut l’ignorer.
D’autres points de vue
Pour documenter ce billet, et avant de passer à mon analyse critique, j’ai pris le temps de faire quelques recherches. Je suis tombée, tête première, dans un océan d’études allant dans tous les sens. Les nouvelles technologies suscitent des courants de pensée qui vont du positif au pessimisme extrême en passant par le doute et l’angoisse. Précisons, en outre, que les résultats des études sont basés sur des données empiriques de courte durée.
Face à cette situation, je me limiterai donc à une étude intitulée L’impact des nouvelles technologies dans la société actuelle – Ascension fulgurante de la technologie sur la société dans laquelle on soulève de très bonnes questions telles que : « Peut-on s’en passer? Vice ou vertu? Combat, capitulation ou victoire? » Les auteurs écrivent : « Nous ne pouvons qu’admirer le progrès effectué pour et par l’humanité, mais d’un autre côté si nous arrivons à garder notre regard critique sur les choses (…) nous sommes capables de voir les multiples vices que peuvent nous procurer ces engins. » Je conclurai cette portion de mon billet par une citation de Winston Churchill : « Il est toujours sage de regarder en avant, mais il est difficile de regarder plus loin qu’on ne peut voir. »
Mon point de vue
Chose certaine, les nouvelles technologiques et le WEB sont là pour rester et faire partie intégrante de nos vies, et ce, de façon exponentielle. Enfant de la télévision en noir et blanc à deux canaux, je regarde les choses avec un œil perplexe, parfois critique. Je ne rejette cependant pas tout du revers de la main, sachant que le progrès a toujours ses bons côtés.
Néanmoins, tous conviennent qu’il n’est pas facile d’évaluer, à moyen et long terme, les impacts réels du numérique, en raison de sa nouveauté, d’une part, mais aussi parce que le moulin bat très vite. L’équation de la vitesse sur le temps d’adaptabilité est bancale.
Dans un tourbillon presque infernal, on avance, on invente, on adhère avec des yeux d’enfants ébahis en disant : Incroyable! Formidable! C’est une machine qui ne peut plus s’arrêter. Qui plus est, l’homme est friand d’inventions, de découvertes, de pouvoir et, là, il a les deux mains dans le coffre à jouets.
J’ai la ferme conviction que les nouvelles technologies ne vont pas changer l’homme tel qu’il est, fondamentalement toujours en mode instinctif de survie par le pouvoir. Les sociétés évoluent, l’homme non. L’homme utilisera ses inventions pour son pouvoir, l’homme attaquera lui-même ses propres inventions pour son pouvoir.
Dans un cours que j’ai récemment suivi sur les enjeux des technologies émergentes à l’Université de Sherbrooke, le professeur, Martin Lessard, a mis la table sur les aspects utopiques et dystopiques du numérique dans la société.
En joignant mes réflexions à celles de M. Lessard, que je partage en bonne partie, j’en viens à penser que l’homme perdra probablement des plumes dans cette grande aventure. Non par le biais des nouvelles technologies « gadgets », des avancées scientifiques visant le mieux-être de l’être humain ou l’amélioration des connaissances, mais par le biais des réseaux de communications sociaux et politiques. Sans réaliser véritablement les impacts, l’homme se met à nu devant les pouvoirs étatiques, l’homme se met à nu devant l’appétence du système capitaliste. Si j’écrivais un livre sur le sujet…, j’aurais mon titre : l’homme nu.
Il est clair que les piliers de la démocratie telle qu’on la connaît actuellement seront ébranlés, surtout dans les pays qui tentent d’y accéder. Les réseaux sociaux donnent l’illusion d’une unification de la base, d’une force accrue, mais à mon avis, c’est le contraire. Les réseaux sociaux sont efficaces, mais fonctionnent en silo et les courants de pensée qu’on y retrouve sont volatiles, momentanés et grégaires. Objets connectés en mains, l’illusion de contrôle flotte au-dessus des peuples et des groupes. Toutefois, plus souvent qu’autrement, c’est l’inverse qui se produit. Pendant qu’on s’insurge envers les pouvoirs policiers, par exemple, on laisse les gouvernements nous surveiller de plus en plus, on laisse également différents types de compagnies connaître tout de nous pour mieux nous appâter. Les réseaux de communications politiques et d’affaires affinent leurs outils (information, surveillance, propagande, marketing). Pendant qu’il existe un certain chaos au ras des pâquerettes, les mieux placés de ce monde prennent la balle au bond. Verra-t-on la venue de systèmes plus contrôlant, plus autoritaristes? C’est possible. De toute façon, l’humanité n’a jamais été figée dans ses courants, elle bouge et elle bougera toujours. Le cliché du « balancier » n’est pas une vue de l’esprit.
Sans vouloir être alarmiste, la connectivité performante qui s’en vient constitue un outil complexe à haut risque. À mon avis, les réseaux de l’information sophistiqués en développement sont dangereux et leurs effets tentaculaires sournois, raffinés et pervers.
Pour éviter les abus et les dérives, sera-t-il possible d’instaurer rapidement à l’échelle mondiale un cadre éthique de l’utilisation des réseaux d’information et de communication comme cela se fait dans d’autres domaines? Je fais ici référence aux enjeux planétaires traités au sein des grandes organisations comme l’OTAN, l’ONU ou les regroupements des pays industrialisés.
Un certain parallèle peut être fait avec la découverte du nucléaire. L’homme se retrouve-t-il encore une fois comme un enfant ayant une allumette entre les doigts? Seul l’avenir nous le dira. Une phrase dans le livre de Schmidt et Cohen dit ceci : « Ce qu’il adviendra ne dépend que de nous. » Je pose la question suivante : L’homme est-il en contrôle?